jeudi 31 juillet 2014

Mercredi 31 juillet 2013



La doctoresse a dit encore: 
«On peut diminuer progressivement l’oxygène… lui donner de la morphine… laisser faire la nature…» 
Mon frère est pour, si bien pour qu’on se demande s’il n’est pas pressé de rembourser son prêt à sa belle-sœur. 
Michelle est très opposée à l’injection de morphine, elle prétend que c’est pour le confort du corps médical, que ça n’apaise pas les patients, qui entre en délire. Elle a de l’expérience: son père, sa sœur, son mari…
Hier soir la doctoresse a diminué l’oxygène, mais pour la raison qu’en envoyer trop peut aussi faire du mal, être contre-productif. 
 
10 heures, j’arrête, je vais chercher mon frère qui arrive à la gare.

Ce soir: elle a les yeux grand ouverts. Quand on passe la main devant rien ne se passe. Je fais tomber une chaise qui fait beaucoup de bruit: rien n’arrive. Je lui serre la main, je lui tords la main pour lui faire mal: aucune réaction.


[Ma mère est morte le 31 juillet 2013 peu avant minuit. Sans nous. Seule. Mon frère et moi l’avions quittée au début de la soirée. Cela ne sert à rien d’avoir du remords. Et puis, que savions-nous? Combien de temps cela allait-il durer? On ne fait jamais ce qu'il faut. Ainsi mon père, en bonne santé, je ne lui ai pas dit “au revoir” ce soir-là.]
 

mercredi 30 juillet 2014

Mercredi 30 juillet 2008


Retour à Chartres. Les trois frères: 
Ivan = E ; Aliocha = D ; Dmitri = Patrick. Bon, c’est des bêtises.
 
J’aime beaucoup Dave (que je tiens à prononcer dave, “a” français) et C. Jérôme. 
 

mardi 29 juillet 2014

Samedi 29 juillet 2000

 
Même les atomes ne sont pas éternels et la vie de l’homme va de deuil en deuil. 
 

2 mars 1917



«Au printemps les jardins étaient blancs de fleurs, le jardin des Tsars s’habillait de vert, le soleil défonçait toutes les fenêtres, y allumait des incendies. Et le Dniepr! Et les couchants! Et le monastère Vydoubetski sur les pentes. Une mer de verdure dévalait de terrasse en terrasse jusqu’au Dniepr souriant et diapré. L’épaisseur des nuits d’un bleu noir au-dessus de l’eau, la croix de Saint-Vladimir éclairée à l’électricité, suspendue dans le ciel…
Bref, une ville splendide, une ville heureuse. La mère des villes russes.
Mais c’étaient là des temps légendaires, ces temps lointains où les jardins de la plus belle ville de notre patrie abritaient une jeune génération insouciante. Alors, oui, alors dans les cœurs de cette génération s’ancrait la conviction que toute la vie se passerait en blanc, sereine, calme; les aubes, les couchants, le Dniepr, le Krechtchatik, les rues ensoleillées l'été et, l’hiver, une neige sans froidure, sans rudesse, une neige épaisse et tendre…
Et c’est tout le contraire qui est arrivé.
Les temps légendaires se sont cassés net et l’histoire a fait son entrée, une entrée soudaine et terrible.» 
Boulgakov



lundi 28 juillet 2014

Samedi 28 juillet 2001


Les derniers mots de l’équipage du Concorde avant l’écrasement: «Le badin, le badin!»
Hier soir un peu déprimé, […]
Mais à peine arrivé à Chatou j’ai un message sur mon répondeur, de Charlotte (en ce moment, elle appelle tous les jours), mais je ne peux lui parler (car cinq minutes plus tard elle est chez elle avec son mari; elle part en Vendée avec ses enfants, je crois, ou de la famille, d’où elle promet de m’appeler lundi ou mardi, […]
sur l’autre répondeur: «je voulais juste savoir si tu étais vivant». Je ne répéterai jamais assez que je ne veux pas la rendre malheureuse, mais que, quoi que je fasse, je la rendrai malheureuse.
Toujours sur mon répondeur un type me propose du travail (comme tous les ans à la même date les éditeurs se paniquent, leurs correcteurs sont partis, et les pékins comme moi sont utiles, mais je viens de récupérer un boulot sur les arbres du jardin auquel s’ajoutent mes deux annales à finir pour lundi matin).
Aujourd’hui des millions de personnes sur les routes, dont la mère de mes enfants et mes chéris qui vont prendre la route du retour, et je vais m’inquiéter toute la journée, et je sais qu’ils ne me téléphoneront pas. 
Ces deux derniers jours, grosses chaleurs qui finissent le soir en orage. Je ne sais toujours pas quoi faire en août avec les enfants, côte atlantique, ou Embrun, ou au dernier moment n’importe où, ce que proposent les voyagistes en solde, on verra bien.
D m’a appelé, il a publié deux textes […]  croire que l’on va loin parce qu’on écrit qu’un jeune garçon aime sa maman parce qu’elle le masturbe, quelle puérilité!
Midi, Charlotte appelle, de la librairie; elle me demande des conseils de lecture pour les vacances, je ne vois pas, sauf La Conversation amoureuse; je la rappelle cinq minutes plus tard (elle est toujours à la librairie en train de se faire fourguer une pléiade de mauvais livres par la libraire) pour lui suggérer Belle du seigneur (je n’ose Ada), la libraire ne l’a pas, («oh, c’est un vieux livre», dit-elle).
Nous avons du mal en ce moment à passer une journée sans nous parler, elle vient cette après-midi avec la ferme intention de ne rester que cinq minutes, sous prétexte de prendre le livre d’Anne Wiazemski, mais aussi parce qu’elle veut me voir, avec l’intention de ne pas rester, de ne rien commettre de malhonnête (bien sûr), mais parce qu’elle a envie, autant que moi, de me voir, de juste un baiser léger, et c’est tout. Et elle peut ne pas venir, elle est toujours imprévisible, inattendue, mais la plupart du temps bellement inattendue, avec d’heureuses surprises. Mais il ne faut jamais compter sur elle, ce sont des cadeaux de sa présence qu’elle fait, par surprise, jamais en prévenant à l’avance, jamais planifiés, donc d’autant précieux, d’autant petits trésors, à garder ensuite dans sa mémoire.
Charlotte est venue vers trois heures et demie, pour rester cinq minutes, elle n’est repartie qu’à cinq heures et demie. C’est elle qui vient se blottir dans mes bras, puis nous allons nous allonger sur le lit, mais très sage, défense de déboutonner le soutien-gorge, baisers, caresses, câlins, tendresse, belle et folle agenouillée au-dessus de moi les cheveux en bataille lui cachant à moitié le visage. Elle a du mal à se décider à partir, elle part enfin avec quelques livres, dont La Conversation amoureuse […].
J’appelle à la maison, ils sont tous bien rentrés. Je parle à Modigliani, elle qui ne perd jamais le nord me dit qu’elle voudrait bien que je lui offre un billard, elle ajoute «pour Noël». Ainsi vit-elle dans l’avenir son retour de bains de mer. Ils sont contents apparemment tous de leur séjour. […] Je suis hors mais que leur vie soit assez douce, c’est tout ce que je souhaite. Je vais essayer de trouver une location pas chère à Royan pour les deux dernières semaines d’août. Si je peux la payer…
Long appel à Michèle. Rien de neuf pour elle. Elle a changé d’homme, mais encore un homme marié. Elle n’a pas travaillé pour passer son concours, elle vit, petitement mais assez bien. Son fils a eu son bac, enfin! il va faire un iut biologie (eau) à Digne, c’est bien pour lui. Je lui ai dit que nous n’irions pas à Embrun cette année. Elle passera peut-être me voir à Paris en octobre.

dimanche 27 juillet 2014

Mardi 27 juillet 2010


Aujourd’hui les 100 ans de Julien Gracq et les 70 ans de ma cousine. Je l’ai eu au téléphone, elle puis son frère pour une histoire de petit chat que je dois aller chercher à Pomponne et ramener en Bretagne.
Deux nuits de suite j’ai rêvé de mes filles aînées, comme d’habitude ce sont des rêves heureux de retrouvailles.
La nuit dernière c’était de Nicole R que je rêvais. Elle avait trouvé dans son grenier des tableaux peints par Hitler. (Nicole est juive.) Quelle salade que ces rêves!

samedi 26 juillet 2014

Jeudi 26 juillet 2007


Récapitulons: 
la clé USB qu’il devait me rendre au bout de cinq minutes; 
toute la nourriture du congélateur que nous avons jetée parce qu’il a laissé la porte ouverte (à moins que nous nous accusions ma fille ou moi, et il est vrai que c’est de l’ordre de l’improbable mais du possible); 
les traces de pipi frais qui jonchent le sol des chiottes quand il en sort; 
la bouteille de whisky vide retrouvée derrière les livres de la bibliothèque; 
la sorte de pyjama blanc taché de jaune, jaune que souligne D, «mais tu t’es pissé dessus!», évidence qu’il nie devant nous deux, pyjama que j’ai retrouvé planqué derrière un meuble, que je me suis empressé de jeter, quitte à supprimer la preuve de l’événement; 
le fait qu’il dorme avec un seul drap, donc à même le matelas, sans mettre de taie aux oreillers; 
et ce soir la merde collée à la lunette des toilettes. 
N’en est-ce pas trop ?

vendredi 25 juillet 2014

Vendredi 25 juillet 2008


Maman ne s’est pas remise de la journée. Elle n’a presque pas quitté sa canne. Elle a embrassé Charles, nous avons éteint sa télévision et sa lampe. Je l’ai accompagnée jusque dans sa chambre. Se rétablira-t-elle comme elle s’est rétablie, rapidement, il y a quinze jours (et dans ce cas il faut souligner que les deux incidents sont bien rapprochés), ou est-ce que je me cache la vérité, et qu’aujourd’hui a eu lieu une nouvelle étape de son affaiblissement? Suite demain. 
 

jeudi 24 juillet 2014

? 24 juillet 1966


Le 24 juillet 1966, jour des diamants dans la poitrine, était un dimanche.
Aller vérifier sur un vieux calendrier!


mercredi 23 juillet 2014

Jeudi 23 juillet 2009


«L’un des derniers grands souvenirs fut un long entretien sur le trottoir face au Luxembourg. Une heure, peut-être, l’une des plus belles de ma vie; de la sienne, je ne sais; sans doute quelque peu. Et je n’entendis plus cette musique.» 
Goubert sur Braudel


mardi 22 juillet 2014

Dimanche 22 juillet 2001


Surprise: Charlotte m’appelle à l’instant (12 heures 39), elle est libre cette après-midi, nous allons à Paris en rer tous les deux. Même si elle ne veut pas se l’avouer, je pense qu’elle est réjouie comme moi que son mari soit parti, qu’elle m’a appelé aussi vite que possible et qu’elle craignait que je ne sois pas libre. 
 

lundi 21 juillet 2014

21 juillet XXXX


1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 
Jours anniversaires de la mort de mon père.

samedi 19 juillet 2014

Jeudi 19 juillet 2007


Je vais à Cergy acheter un écran pour l’ordinateur de mon fils. Je n’ai pas le droit d’aller devant la maison. Je le retrouve place de l’église. Je lui donne son cadeau. Cinq minutes. 
Mon cœur se serre lorsqu’il s’éloigne, il me fait un signe de la main.
C’est tout.

vendredi 18 juillet 2014

Mercredi 18 juillet 1894


«T’attendre, ici, m’apprit ce que c’est que de t’attendre; de penser à toi maintenant m’apprend ce que c’est que penser à quelqu’un.» 
Gide à Louÿs

jeudi 17 juillet 2014

Mercredi 17 juillet 1996


À Saint-Cloud, Chantal, le 17 juillet 1996, à la sortie de son oral de Capes où elle avait été interrogée sur Julien Gracq, avant de me dire qu’elle avait réussi [brillamment, elle fut une des premières dans le classement de toute la France], m’a répété, exaltée: «Dieu est bon! Dieu est bon!»
Et je me disais intérieurement: Qu’est-ce que Dieu a à voir là-dedans.
Le soir même il y avait l’accident. Dieu ne m’a pas prévenu. Je ne l'ai su que six mois plus tard.

mercredi 16 juillet 2014

Lundi 16 juillet 2012


La communication entre les êtres.


Salle à manger:


«Votre fils, il habite où?

— Comment?

— Votre fils, il habite où?

— Comment?

— Votre fils, il habite où?

— Comment?

— Votre fils, il habite où?

(Long silence)

— Je me rappelle plus.

— Il a quel âge?

— Comment?

— Il a quel âge?

— Comment?

— Il a quel âge?

(Long silence)

— Je me rappelle plus.»




Autre dialogue:


«Ta robe est en noir et blanc.

— Oui, et la tienne est en couleurs.

— Je t’ai demandé quelque chose?»




Moi, à ma mère:


«Et avec ta voisine, ça va?

— Ma voisine, elle est morte!
— Maman, je parlais de la nouvelle voisine?…»

mardi 15 juillet 2014

Samedi 15 juillet 1972


«La fin du modernisme peut être précisément datée, selon Peter Blake, du 15 juillet 1972 à 15 h 32 (ou à peu près), quand plusieurs immeubles d’habitation d’une cité de Saint-Louis, dans le Missouri, construits dans les années 1950, furent dynamités parce qu’ils étaient devenus inhabitables. Ce sort, auquel certaines “cités radieuses” de Le Corbusier échappèrent de justesse, illustre à merveille la décadence du mythe moderne, avec ses métaphores de la machine et de l’usine.» 
Antoine Compagnon


lundi 14 juillet 2014

Samedi 14 juillet 1984


Du haut du col de la Vayède, ce paysage si grec, si parfaitement humain, bleu des oliviers, vert des vignes, noir des cyprès, la montagne rocheuse, la couleur de l’aurore. Du haut des Alpilles, la Montagnette tout entière dans une découpure, une précision des lignes parfaite. Dans la plaine entre Saint-Rémy et Noves, comme trois gloires, trois grâces en ordre bien rangées: le Luberon, la montagne de Vaucluse, le Ventoux. L’église du Thor éclairée par l’est. Carpentras encore endormie, ses platanes.


dimanche 13 juillet 2014

Vendredi 13 juillet 1984


Comme disait hier aux Saintes des touristes farfelus, quelle conjonction. Une lune pleure et un vendredi treize. Macaronie sous le signe de la lune. Je prends mon vélo assez tôt et pars seul visiter les ruines de Glanum. À l’aide du petit guide on lit parfaitement les ruines. C’est plutôt un exercice de géographie. Un Mirage passe bas au-dessus de nos têtes.

samedi 12 juillet 2014

Mercredi 12 juillet 2006



Hier soir je croise dans la rue une jeune femme en fauteuil roulant, mon regard croise son regard et spontanément je lui fais un sourire, qui n’est pas un sourire de pitié, elle me réponds par un sourire franc, radieux. Est-ce une b.a.?
Lectures : Voltaire, RC, Baudelaire, et la biographie d’Anne de Bretagne.

vendredi 11 juillet 2014

Mardi 11 juillet 2006


Un vieil homme à la longue chevelure blanche maintenue par une queue de cheval, qui portait des tuyaux dans les deux narines, tuyaux reliés à une sorte de bonbonne qu’il portait en bandoulière, m’a dit sur le trottoir face au jardin:
«Quel malheur!»
Je lui ai répondu: 
«Monsieur, si vous donnez un euro de plus, c’est à vous.»
Nous avons poursuivi en pleurnichant de concert sur les malheurs du monde, autrement dit sur la dégradation accéléré de la côte sud de la Bretagne.
«Enfin, tout n’est pas noir.
— Si, tout est noir.
— Je disais cela pour finir notre conversation, mais… vous avez raison, tout est noir.»
   

jeudi 10 juillet 2014

Lundi 10 juillet 2000


La soirée, je raconterai plus tard. Un seul mot: ce fut magique.
Journée chez Hatier à «bosser», mouais.

Bon, beaucoup de mal à commencer, il va falloir tout de même que je les écrive ces deux soirs magiques.
Faustin l’a dit, de belle façon, tout de suite à son arrivée: «Je vais vous dire, tout de suite: je suis ému.»
     

mercredi 9 juillet 2014

Dimanche 9 juillet 1972



Torbole Limone Gardone Salo Aufo Bagolino Brenno Bergamo


mardi 8 juillet 2014

Lundi 8 juillet 2002


Six heures et cinq minutes, le soleil apparaît derrière les arbres. 
 

lundi 7 juillet 2014

Dimanche 7 juillet 2002


Le boulanger, la boulangère. Bruit et fureur, ils se battent, ils jettent la télé, la chaîne hi-fi dans l’escalier.

Le lendemain, un sans-papier qu’il loge presque gratuitement en échange de travaux au noir a oublié des fournitures achetés dans une grande surface de bricolage. Le boulanger le traite de tous les noms. Paul qui passait par là intervient. D’abord il va à la boulangerie, achète un gâteau, demande qu’on le lui livre à la librairie. Lorsque le gâteau arrive il dit: «C’est pour mon ami [ici le nom du sans-papier].»
S’ensuivent diverses explications.
Plus tard dans la cour, ils s'insultent. Ça donnait à peu près:
«Minus!
— Ivrogne!»

Ainsi va la vie catovienne.
 

dimanche 6 juillet 2014

Vendredi 6 juillet 2001


Je suis assis sur un banc du square Chérioux. Une femme vient me demander du feu.
«Je peux m’asseoir?» 
Je lui fais signe que oui. Elle dit: 
«Je suis de la Fraction armée rouge, vous connaissez?» 
Je lui dis que oui. 
«Vous en êtes?» 
Je lui réponds que je connais un peu par les journaux. 
«Vous êtes un menteur. Dites-moi ce que c’était.» 
Elle lance le nom de Baader. J’insiste bêtement: je connais toute cette vieille histoire par ce qu’on en a dit à l’époque dans la presse. Soudain elle se lève et part. 
«Au revoir», dis-je à haute voix, mais elle ne me répond pas, ne se retourne pas. 
Quand je quitte mon banc, je la croise rue de Vaugirard. Je crois d’abord tant elle a l’air ailleurs qu’elle ne va pas me voir ou pas me reconnaître, mais elle m’aborde à nouveau:
«Vous savez où il y a un tabac?» Puis tout de suite:
«Donnez-moi votre briquet rouge.»
Je refuse et lui montre l’enseigne de tabac qu’on aperçoit au loin, en face de la rue Fourcade. 
«Accompagnez-moi.
— Non.»
Je lui explique que je tourne à droite rue Maublanc, que je suis arrivé. 
«Alors je vous suis!»
Je lui dis que ce n’est pas possible. J’ajoute un peu bêtement que là où je vais il y a des gardes du corps. 
«Je veux voir les gardes du corps.»
Comme je suis à l’entrée du 14, elle interpelle les passants:
«Il ne veut pas que j’aille chez lui.»
Puis:
 «Vous connaissez la Fraction armée rouge? Ce monsieur est de la Fraction armée rouge.» 
Une passante a le malheur de lui dire qu’elle en a entendu parler. Alors elle la suit. Je rentre sous le porche. 
Et déjà j’entends des éclats de voix qui proviennent de l’angle de la rue. La passante ne la supporte déjà plus.
 

samedi 5 juillet 2014

vendredi 4 juillet 2014

Mercredi 4 juillet 1984


Nous sommes partis dimanche vers 4 heures et demie de l’après-midi. Dépose de la 4L au 142 chaussée Jules-César et en route pour les vacances.
« On va en vacances » dit Macaronie.
Déjà des embouteillages à Saint-Denis et sur l’autoroute du Nord vers Paris. Peu de monde en revanche sur l’autoroute du Sud. Arrête premier en Bourgogne. Macaronie désagréable, je lui crie dessus. Souvent maladroit mais je ne m’en rends pas compte et si je me rendais compte je ne le serais pas. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Elle pleure et se met en colère si bien qu’elle en pisse sur son siège. Je prends le volant au sommet de la côte d’Or, manque de m’endormir ; nous nous arrêtons de nouveau un peu plus loin. Un bon café, un chewing-gum (Hollywood menthe) de l’air dans la voiture me réveillent et je reste en forme jusqu’à l’arrivée. Monotonie de ce parcours, épique depuis Cortazar. On n’entrevoit à peine Lyon. Les filles s’endorment après maints geignements un peu avant que la nuit tombe. B remarque qu’en beaucoup d’endroits du parcours on hume des odeurs désagréables qui n’étaient pas avant. Feyzin bien sûr mais aussi d’autres points : égouts, produits chimiques. Vers deux heures et demie moteur ralenti, silencieux dans le silence de la nuit provençale nous glissons dans Noves, dans Châteaurenard, dans Saint-Rémy sans voir la silhouette des Antiques endormis.
A l’arrivée au Baux nos prédécesseurs n’ont pas encore quitté la maison mais ils logent dans la petite dépendance et ne nous gênent pas. On sort furtivement, en silence, les enfants et les valises.
Lundi. Le matin de bonne heure – neuf heures disons – Macaronie et moi allons à Maussane acheter des croissants pour le petit déjeuner, et puis plus tard nous allons au supermarché dans les faubourgs d’Arles – chaleur étouffante – et puis nous allons déjeuner… où… où…? ah oui, place du Forum, vers deux heures, trois heures de l’après-midi, et nous rentrons faire une longue sieste. Nous dormons tous les quatre à cause des fatigues de la veille. Le soir nous reprenons la voiture, retraversons Arles embouteillée, pour rejoindre Salin-de-Giraud et la plage dite d’Arles. Une plage de bout du monde, sable gris parsemé de caravanes-taudis. Vent qui nous apporte des odeurs de merguez, végétation chiche, mer morte au bleu mat, soleil de soir du monde. À l’étang de Vaccarès, le crépuscule de fin du monde n’empêche pas les filles de faire des pâtés. le soleil s’éteint vraiment. Beaucoup de flamants, de petits lapins peu farouches qui se grattent les oreilles à quelques mètres.
Hier matin lever tôt, neuf heures, et en route pour les Saintes-Maries. Petit café le long de la digue. En voiture nous longeons jusqu’à la pancarte « propriété privée » cet absurde chemin de l’est coincé entre la vase des résidus d’eau boueuse, la même mer morte du jour précédent et des marais peut-être salants ou marécages. Nous passons quelques heures plus près de la ville sur un recoin de plage presque agréable, le soleil cuit fort, dissimulé derrière un vent qui rafraîchit. Pique-nique sur la plage puis repos sous le premier arbre trouvé, à douze kilomètres de là, au nord des Saintes-Maries. B lit Schnitzler. Nous retournons aux Saintes. Je passe deux bonnes heures chez un coiffeur muet comme un poisson qui se met à parler et plaisanter quand l’un de ses copains arrive, un coiffeur qui fignole à la petite brosse, au pschtt pschtt et au rasoir. B et les filles pendant ce temps errent dans les rues piétonnes chargées de boutiques à touristes. Nous entrons quelques instants dans l’église – style pur. J’aime bien aussi tous les cierges dans la crypte. Nous en mettons un dans chaque église, trois francs, c’est Macaronie qui veut ça. Aujourd’hui à Saint-Agricol ou Notre-Dame des Doms elle en a mis un (une bougie dit-elle) pour sa tante (ça ne peut pas lui faire de mal). Après les Saintes-Maries ,Saint-Gilles, où nous jetons un coup d’œil distrait sans sortir de voiture à cette façade que, décidément, quatre ans plus tard, nous n’aimons toujours pas. À Beaucaire et Tarascon nous cherchons désespérément où dîner. Il reste la tour triangulaire, rien de la foire qu’un parking sous les arbres, rien du souper puisque pas même une gargote. À Tarascon des militaires cherchent un cinéma. Cependant le pont sur le Rhône, le château et l’église illuminés par le soleil du soir sont assez beaux. Nous dînons à la pizzéria x à Saint-Rémy.
Aujourd’hui nous passons la journée en/à Avignon. Départ par le val d’Enfer, passage de Maillane, de Rognonas, visite de saint-Agricol ; assez intéressante mise en valeur des ruines romaines découvertes à son chevet. Errances le long des rues sans voiture, déjeuner d’une crêpe et d’une salade à un angle de rue. La place du Palais est en effervescence, ce soir ils accueillent Mireille Mathieu, aussi le musée Campana ferme à cinq heures et le parc des Doms est déjà fermé. Hormis une partie de la façade et, pour le principe, les fresques effacées de Martini, on ne peut dire que je sois séduit par Notre-Dame des Doms.
B en revanche commence à être séduite par les primitifs italiens, leurs enfants Jésus difformes, leur Vierges aux yeux de Chinoises et au front bas, leur ciels d’or, leurs anges qui planent ou qui font des piqués, les roses, les verts, les bleus et les montants de bois dorés. On cherche désespérément la Tarasque de Noves qui a déserté la chapelle du lycée.
(À Beaucaire, non pas le souper mais le triangle et la courbe. Ne pas oublier l’oratoire elliptique à l’ouest de Saint-Agricol ; dans la chapelle du lycée une scène de halage gallo-romain réjouit le cœur.)
Le vent qui souffle tout le jour rafraîchit l’air dans les ruelles étroites sans soleil. Un verre sur le coup de sept heures place de l’hôtel de ville. Peu de filles jolies sauf peut-être les deux petites musiciennes qui jouent du Telemann.
Retour par les Antiques, magnifiques monuments, splendides, exaltants. Qu’est-ce que j’y mets comme mythe derrière : toute la gallo-romanité !
Ce matin, une demi-heure de course à pied autour de la montagnette qui domine la maison avec des muscles noueux.
Macaronie a une mémoire de gros éléphant. Bidibulle s’émancipe et marche de plus belle, pas toute seule, pas encore.
Les filles, après une journée sans sieste, à dix heures et demie n’ont toujours pas sommeil.

mercredi 2 juillet 2014

Mardi 2 juillet 2002



Trois heures moins le quart.
Le ciel se dégage, vent fort dans les pins ; le soleil perce.
Il y a un sixième pin à côté d’un acacia de la même taille, et un autre tout petit contre le mur du fond. Contre le pin proche de la terrasse les fleurs mauves sont des lavatères. Plus loin le gros bouquet buissonnant est du laurier rose.

mardi 1 juillet 2014

Dimanche 1er juillet 2001


Vendredi soir, je passe pendant qu'elles prennent l’apéritif; S arrive: cela finit par un tajine au champagne.
La dame Brigitte, veuve opulente dit «non! non!» et commence à goûter mon plat de tajine, puis mange avec moi, sans scrupule, goulument, dans mon assiette, jusqu’à ce que je trouve une deuxième assiette où je lui verse, pas chiche, une bonne moitié de ma part. Gonflée la grosse dame!
L’autre, je ne sais plus Susie, Nelly? une belle dame de plus de soixante-cinq ans, raconte ses histoires de cul avec son petit ami de quarante — décidément, ces femmes! 
S, lui, raconte ces histoires de tortues. Je suis censé être l’écrivain officiel des anecdotes de la famille, mais ça, ça ne m’intéresse pas du tout! Comme souvent cela m’arrive, je suis d’abord en position d’infériorité, je me tais, je suis le «petit garçon» face au beau parleur S; mais il ne tient pas la distance, il en fait trop; et c’est moi qui brille («domine») à la fin de la soirée (domine est un vilain mot, je ne veux pas dominer qui que ce soit — mais ma vanité de mâle est flattée face à ces dames).

Samedi soir, l’étrange fête de Laurence. 
L’astrologie, des types au look (aspect) intellectuel sérieux qui parlent le plus gravement du monde de leurs configurations numérologiques. 
Christophe, vient avec ses préservatifs (qu'il avait consciencieusement placés dans le réfrigérateur cette après-midi, c'est comme cela qu'il faut les conserver paraît-il), il est déçu, il repart seul. Il me confie qu’il doit trouver une femme qui a comme lui un léger handicap. Il a d’autant plus de problèmes que sa surdité se voit à peine à la première rencontre, d’où ses talents de don Juan, qui se brisent au premier vrai contact. Il est coincé: comment inviter une fille au restaurant?
Christine est une blonde fine au visage régulier, elle travaille (ou vit) dans le quinzième, elle a au moins un fils, elle cherche un compagnon. Toutes ces dames n’ont pas compris que la meilleure façon de trouver un compagnon de vie c’est de n’en pas chercher. (Comme dit si bien Sylvie, c’est le lieu des lois économiques dans toute leur pureté, le règne de l’offre et de la demande sans autres interférences: donc, il faut jouer la rareté.)
Alexandra a passé sa soirée avec un chevelu à la moustache opulent de paysan à détailler son thème, avec des planètes placées aux sommets de triangles exactement équilatéraux qui s’entrechoquent, s’évadent, suscitent des ondes bénéfiques et/ou maléfiques qui expliquent tout.