mardi 10 février 2015

Situation renversée I : d’un procès à l’autre



«L’accusé n’a qu’un vocabulaire de trente à trente-cinq mots, pas plus. […] Le président, l’avocat général, le procureur, etc., ont, pour s’exprimer, des milliers de mots.»
«Nous verrons cependant plus loin qu’en déplaçant un petit pronom, ou en mettant au pluriel ce qui est au singulier, on anéantit complètement une phrase accusatrice et terrible. Et je le répète: c’est un procès de mots; il n’y a aucune preuve matérielle, dans un sens ou dans l’autre; il n’y a que des mots»
Giono, Notes sur l’affaire Dominici



Avant tout, la formule désormais obligatoire si l’on ne veut pas être soupçonné du pire : «Je précise que ne souscris pas, etc.»



C’est l’article de Jérome Dupuis sur le procès de RC qui m’a fait relire ce texte de Giono. Entre parenthèses, Barthes a aussi écrit — une “mythologie” —  sur l'affaire Dominici (mais mon Barthes est dans les caisses). Dans cet article le journaliste de L’Express emploie l’expression “dialogue de sourds”. 
Soixante ans plus tard on se trouve dans un renversement de situation: aujourd’hui ce sont les juges qui possèdent cinquante mots: comment voulez-vous qu’ils comprennent la langue de l’accusé?

Et il y a toujours cette diablerie de non-commutativité, qui semble désormais difficile à faire comprendre aux meilleurs esprits : “les voyous sont des roux” ne veut pas dire “les roux sont des voyous”.


Je répète la phrase apotropaïque : «Je précise que ne souscris pas, etc.»

Sinon, autre procès. Histoire de mœurs. (Si on cherche à comprendre cet animal incompréhensible qu'est l'être humain, si l'on veut en savoir un peu plus sur nos semblables, nos frères, sur ce qu'il y a au fond de l’«homme nu» (comme disait Simenon), ces articles de blog (à lire à l’envers, je mets le premier en lien) sont passionnants.


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